Cette petite fille elfe vivait avec ses parents à Astranaar. Et tout semblait normal dans sa vie. Parfois, son père partait quelques jours. Quand cela arrivait sa mère semblait inquiète, préoccupée, tout du long que durait l’absence. Lorsqu’il partait, son père fouillait dans un grand coffre et en sortait une cotte de maille rutilante et un gigantesque arc. Sortant de la maison en bordure du lac, un sifflement strident se faisait invariablement entendre. Après quelques secondes, un grondement sourd faisait trembler la frondaison des arbres. Un gigantesque tigre à dents de sabre sortait alors en bondissant de la forêt, comme pour attaquer son père. A quelques centimètres, le tigre s’arrêtait brutalement et se mettait à ronronner comme un gros chat, se frottant de toutes ses forces contre le torse de l’elfe. Athanatar, c’était le nom du tigre, avait un jour expliqué le chasseur à sa fillette venait d’une très lointaine contrée avait-il aussi expliqué. Une terre au-delà de la terre. Un endroit qui se nommait Noirvent. Quand elle était sage, la fillette avait le droit de faire un tour dans la foret avec le tigre. Enfin pour être exact, c’était le tigre qui faisait un tour dans la foret avec la fillette ficelée sur son dos. Saucissonnée serait plus juste. Dans un grand éclat de rire cristallin de la fillette, le tigre partait à toute allure dans la foret dense où le soleil ne pénétrait presque jamais. Avec un regard amusé, le père regardait sa fille sur le dos du tigre, ses longs cheveux noués en une longue natte flotter presque à la verticale derrière elle. La fillette disparue dans les bois, la mère venait alors se blottir dans les bras puissants de son mari et échanger un profond baiser d’adieu, tout le temps que durait la ballade de leur fille.
La mère, était très souvent sollicitée par les gens du village. Sa fillette avait cru comprendre qu’elle était une sorte de rebouteuse. En tout cas, elle soignait les petits bobos des gens d’Astranaar et des environs. Plusieurs fois déjà, son père était rentré titubant, dissimulant à grand peine des blessures sanglantes. La mère allongeait alors en pleurant son mari sur un tapis de fougère et se lançait dans quelque méditation. Après quelques heures, de repos, son père se relevais alors comme si de rien n’était.
Depuis quelques jours maintenant, Astranaar dormait d’un sommeil agité, des rumeurs commençaient à se faire persistantes. Sur les rivages, un murmurait qu’un ancien mal s’était réveillé. Les animaux devenaient de plus en plus agressifs et dangereux. Les « Crins-de-chardon », jadis amicaux et bienveillants étaient devenus féroces, sanguinaires et cruels. Ils tuaient sans distinction quiconque s’aventurait sur leurs terres. Au nord, Gangrebois frémissait d’horreurs indicibles. Sur la route qui y menait, on racontait que des loups étranges attaquaient parfois les voyageurs. Ces derniers n’étaient jamais retrouvés. On disait même que ceux qui n’étaient pas dévorés finissaient eux même par se transformer en loup. La ville dormait d’autant moins bien que ces nouvelles semblaient attirer tous les malandrins et aventuriers de la région et même d’ailleurs. Dans les coins sombres de l’auberge, chuchotements et murmures étaient devenus la règle. Il y avait depuis peu une personne qui attirait particulièrement l’attention. Enfin quand on la voyait, elle attirait l’attention. Tout de cuir noir vêtue, le visage dissimulé sous un capuchon. Seul ses yeux y brillaient non pas de l’habituelle lueur blanchâtre propre aux elfes de la nuit, mais d’une teinte rougeâtre et légèrement sanguinaire. Elle était seule, jamais personne n’était invité à sa table. Ses attitudes trahissaient une personne méthodique, prudente, mais pas seulement. Autre chose transpirait de sa façon de bouger, de regarder continuellement autour d’elle. Elle paraissait traquée. En fait certaines mauvaises langues commençaient à murmurer que des démons étaient apparus dans les forets depuis qu’elle était arrivée.
Les mauvaises langues n’avaient pas tort du tout en fait. Elle fuyait. De région en région, de contrée perdue en ville isolée. Elle fuyait. Sans se retourner, toujours rattrapée, toujours insaisissable. Et cette fuite l’avait amenée à Astranaar où quelque chose d’incroyable se produisit. La petite fille……Elle lui ressemblait comme une sœur jumelle.
Les même cheveux, le même regard, déjà dans ses mouvements d’enfant la même grâce. Lors de certains jeux avec d’autres enfants, peu arrivaient à l’attraper, presque par magie, elle semblait insaisissable, et même parfois ses parents avaient du mal à la rattraper.
Cela faisait maintenant plusieurs semaines que l’inconnue observait dans l’ombre. Aussi silencieuse qu’un mort, aussi invisible que la nuit elle-même, elle observait. Cachée dans la frondaison des arbres, elle observait. Tout dans l’attitude de la fillette lui rappelait sa propre personne. Au fil des semaines une certitude se fit de plus en plus évidente. Elle était liée à cette fillette. Elle ne savait pas comment, ni même pourquoi, mais c’était là une occasion unique. Enfin le destin semblait lui faire une fleur. Un seul détail manquait. La marque. La marque de son visage était différente. Sur la fillette, il n’y avait pas ces ombres et taches en forme de papillon qui marquait le visage de l’inconnue. Comment faire ?
Ses pérégrinations dans les forets alentours lui permirent d’apprendre l’existence d’un démon. Au sud….un démon qui hantait la foret depuis maintes générations maintenant. Depuis des générations, voilà qui était intéressant. S’il était là depuis longtemps, il ne pouvait pas être venu pour l’étrangère. Un soir, alors que le désespoir était plus lourd encore qu’à l’accoutumé, elle se décida à parler au démon. Etrangement, ce dernier accepta de l’écouter. Personne ne fut témoin du sombre pacte qui fut scellé ce soir là. Mais de nombreux jours durant, l’étrangère ne reparue pas à Astranaar. Partout dans la forêt, les murmures parlèrent d’une ombre. Une ombre qui volait, qui kidnappait, qui assassinait. D’étranges rituels eurent lieu certaines nuits sans lune. Et toujours cette ombre était dans les alentours. Et puis brutalement…plus rien. Les exactions s’arrêtèrent aussi brutalement qu’elles avaient commencé. Un calme étrange s’était installé autour de la ville. Et un soir, le destin entonna un sombre chant, une étrange danse qui devait transformer la vie de nombreuses personnes.
La fillette disparue. Son père était parti quelques heures avec le tigre, et aux heures les plus sombres de la nuit, un cri se fit entendre. Le bruit sourd d’un corps qui tombe, le plic ploc poisseux du sang qui s’écoule…et puis une ombre qui repart par la fenêtre, un paquet un peu volumineux sous le bras. Après une course poursuite sous les frondaisons des arbres, l’étrangère arriva devant le démon. Le rituel pouvait commencer. A Astranaar, le père de la fillette rentrait chez lui pour trouver sa femme égorgée et sa fille disparue. Un cri d’horreur et un sifflement plus tard, le tigre partait à fond de train à la poursuite de la piste ténue de l’étrangère.
Dans la forêt, au pied du démon, la cérémonie s’achevait. Dans un nuage d’une noirceur écœurante, la marque du visage de l’inconnu disparaissait. Un papillon commençait à apparaître sur le visage de la fillette.
Lorsque le père arriva sur place, il ne restait plus rien à part la petite elfe étendue, inconsciente sur l’autel de pierre. Le tigre étrangement ne pouvait plus suivre la trace. L’étrangère, lorsqu’elle ne désirait pas être suivie pouvait effectivement totalement disparaître quelques seconde. Suffisamment de temps pour brouiller toute trace.
Quelques jours plus tard, le père et la fillette partaient. De peine, le cœur brisé, le père avait décidé de quitter Astranaar. Peut être partir vers Darnassus, il ne savait pas encore. Peut être partir vivre avec sa fille devenue presque une étrangère pour lui dans les étendues glacées du berceau de l’hivers. C’est à ce moment là que le destin frappa. Lors du trajet, le père et la fillette furent brutalement attaqués par des créatures jamais observées dans les alentours auparavant. Des créatures attirées comme par magie vers la fillette. Des créatures conditionnées à tuer leur cible, car tel était le pacte qui les attirait. Ces démons firent leur apparition et alors que le père et son tigre défendaient la fillette au prix de leurs vies, l’étrangère, le regard rouge sang, cachée dans la frondaison des arbres observait la scène. Le père gisait à présent dans une mare de sang, une partie de la gorge arrachée par une entité bleutée déchiquetée par le tigre. Qui finit lui-même par tomber sous les boules de feu d’un diablotin rigolard. Seul ce diablotin restait debout au demeurant. Et alors qu’il commençait à incanter une nouvelle boule de feu en direction de la fillette gisant dans l’herbe, le visage ensanglanté par un coup de fouet, un glapissement retentit soudainement. Dans son dos, deux impacts de stylet venaient de faire comme par miracle leur apparition. Le diablotin s’écroulait, mortellement frappé.
L’étrangère pencha alors son visage sur le corps de l’enfant. Découvrant son visage, sa longue chevelure blanche attachée en une épaisse natte frôlant le visage de l’enfant, elle murmura à son l’oreille, tout en répandant le contenue d’une fiole autour de son corps :
-« Oublie maintenant. Que le second sceau du pacte démoniaque s’accomplisse. Ton passé n’est plus, ton présent est mien, ton futur est souffrance. Tu es désormais la page vierge sur laquelle j’écrirai ta vie pour que la mienne s’efface. »
L’étrangère ramassa alors le corps inerte de l’enfant, à toute allure elle pris la direction d’un chemin oublié. Là, un tigre harnaché d’une selle de monte attendait sagement. L’étrangère n’avait pas remis son capuchon en place. C’est le visage couvert de larmes qu’elle montait sur le dos du tigre.
-« A Darnassus, il est temps maintenant de forger ton destin ma petite. Qu’Elune me pardonne un jour ce que je viens de faire et ce que je vais te faire. Mais c’était trop lourd….trop lourd à porter pour moi. »
Les larmes étaient maintenant innombrables et les sanglots étouffaient presque l’étrangère. Pendant tout le trajet, elle vida toutes les larmes de son corps, mais il était trop tard pour reculer maintenant.
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Lun 29 Déc - 23:56
